Entretien avec Aurélie Voltz, directrice du Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Etienne Métropole-décembre 2020

/NEWSLETTER/ La petite musique de la culture/ décembre 2020

Cette lettre vous présente le regard de personnalités du monde culturel sur la situation actuelle et s’attache à mettre en lumière de bonnes pratiques. Enfin, un bonus vous fait partager un site internet remarquable et un article de blog à propos d’un événement culturel inspirant.

Bonne lecture !

L’ENTRETIEN

Aurélie Voltz, directrice du Musée d’Art Moderne et Contemporain de Saint-Étienne Métropole

« Grâce à la crise sanitaire, j’ai gagné en souplesse, en adaptation et en patience. « 

1. Qui êtes-vous Aurélie Voltz, et quelle est votre mission? Sur quoi travaillez-vous en particulier en ce moment?

Je suis la directrice du Musée d’Art Moderne et Contemporain de Saint-Étienne Métropole. J’œuvre avec mon équipe à la conservation, la valorisation et à la diffusion de cette collection incroyable, qui compte tout de même 20 000 œuvres. C’est une mission en soi. De la photographie au design, en passant par la peinture, le dessin, la sculpture ou les installations, la collection couvre un spectre chronologique allant du XVème à aujourd’hui, avec des collections emblématiques sur la seconde moitié du XXème siècle : art minimal, art conceptuel, Fluxus, Supports/Surfaces forment les plus beaux ensembles.

Une autre partie de notre mission consiste à programmer et réaliser des expositions temporaires tout en y associant une action culturelle, qui s’oriente davantage vers les performances dansées dernièrement. Mais c’est aussi imaginer des actions pédagogiques auprès de tous les publics, avec un volet numérique poussé depuis deux ans. L’objectif consiste à créer de nouveaux projets pour des cibles plus jeunes, des adolescents, un peu moins présents dans nos murs.

Il s’agit également d’exister, de manière forte, sur les réseaux sociaux et obtenir le rayonnement qui convient à un musée de cette envergure.

Là, tout de suite, ma priorité est de rouvrir le musée avec trois nouvelles expositions. En particulier, il s’agit d’une sélection de 300 pièces de design dans notre collection, qui seront montrées dans le cadre de l’exposition Déjà vu, le design dans notre quotidien. Ce projet sera visible lors de la prochaine Biennale de design de Saint-Etienne en 2021. Je citerai également l’exposition d’Eric Manigaud, artiste stéphanois qui travaille à partir d’images d’archives historiques, d’événements cachés, tus ou confidentiels. Et enfin, le public pourra découvrir le travail de Léa Belooussovitch, soient de grands feutres (textiles) blancs sur lesquels elle reproduit des images de photojournalisme. Ces deux artistes réfléchissent d’une manière innovante sur l’image témoin. Leur approche m’a intéressée car elle résonne avec le monde violent dans lequel nous vivons depuis quelques années.

2. Comment affrontez-vous la crise sanitaire et avez-vous changé quelque chose à votre manière de réfléchir, d’anticiper les difficultés cette année?

J’ai forcément changé quelque chose dans ma manière d’aborder mon travail. J’ai pris beaucoup de recul pour me recentrer sur les fondamentaux, sur l’aspect scientifique des projets. J’ai gagné en souplesse, en adaptation et en patience.

3. Quel regard portez-vous sur la culture, les musées et quels conseils donneriez-vous à un jeune tenté de rejoindre votre univers?

L’artiste Sarkis me parlait d’une urgence pour les musées : chaque fois qu’il intervenait pour une exposition, sa démarche relevait d’un « sauvetage » d’après lui. Cette réflexion m’a marquée. Il donnait ainsi une définition du musée intéressante en ce que ce type d’institution, dans un monde brutal, constitue une soupape essentielle pour l’évasion, l’imaginaire. Le musée joue un rôle d’éducation majeur, en permettant une ouverture sur le monde, sur une autre pensée. Il participe à éradiquer l’ignorance, responsable des maux d’aujourd’hui.

Mon conseil pour les jeunes serait : mettez de côté vos certitudes et plongez dans l’inconnu !

4. Une conclusion optimiste, une envie, un fantasme?

Les musées ont des beaux jours devant eux. Entre les collections qui se révèlent chaque fois autrement, et les artistes qui produisent de nouveaux paysages, on ne peut que se réjouir pour l’avenir des musées, créatifs pour les nombreuses années à venir !

LE CAS

Le cas pratique du mois est : comment affronter le numérique et fidéliser de nouveaux publics ?

Je prendrai l’exemple du Centre Pompidou et de son nouveau site internet.

Pour les responsables, deux principaux enjeux étaient à l’œuvre :

–       Créer ou recréer un outil à la mesure de l’effervescence de ce lieu culturel, parmi les plus importants au monde

–       Et partager les œuvres et les contenus avec le plus grand nombre, avec un objectif plus ciblé de toucher des nouveaux publics plus jeunes

Le Centre a géré ce projet, en quelques étapes clés :

–       D’abord poser le diagnostic, et analyser les fragilités du site internet précédent

–       Ensuite, rédiger un cahier des charges précisant

–                 Les moyens à investir, à savoir le temps nécessaire (un an et demi de travail), le personnel à mobiliser (quatre personnes et soixante contributeurs), et le budget à dédier (environ 450 000 euros en développement)

–                 Le traitement des données : comment les connecter pour améliorer l’accessibilité ?

–                 Le choix des contenus pour s’adresser à un large public grâce par exemple à un magazine nourri d’interviews d’écrivains, d’artistes et de commissaires liées à l’actualité et aux coulisses du Centre

–                 Les types de supports visés, avec une priorité donnée à l’utilisation sur mobile, mais adaptable aux tablettes et ordinateurs, et aux personnes en situation de handicap

–                 La manière dont le visiteur peut vivre une expérience globale, en reliant boutique (produits dérivés) et expositions (les artistes et leur univers)

–                 Les enjeux de formation des publics grâce à un portail vidéo ou des séquences issues des Moocs (cours en ligne interactifs)

–                 Comment répondre aux attentes des chercheurs et emprunteurs, en rendant accessibles les œuvres du Centre et notamment celles numérisées en HD ; et aussi celles des enseignants et conférenciers grâce à un plan interactif pour se promener virtuellement dans les étages du musée, cliquer sur une salle et visualiser l’intégralité des œuvres et leurs fiches complètes

En quoi ce nouveau site est inspirant ?

–       Tout simplement parce qu’on a envie de s’y promener, car la maquette est aérée, le design a des couleurs fraîches, les photos du bâtiment sont splendides et l’ergonomie facilite l’accès selon son profil (adhérent, mécène, enseignant, entreprise, etc.)

–       Ensuite parce qu’on se repère vite grâce à un agenda très pratique en filtrant par dates ou plages de temps

–       On a une impression de choix infini pour se cultiver, découvrir des artistes ou des œuvres

–       Enfin, la période actuelle a rendu incontournable la visibilité virtuelle des lieux de culture pour fidéliser ses publics et en conquérir d’autres. Cet exemple montre (même s’il faudra un recul de quelques mois) comment agir dans ce sens.

Comment puis-je alors transposer dans mon musée, mon château ou mon abbaye certaines propositions ? Comment puis-je innover dans les usages ?

La méthode que je préconise est la suivante :

Se fixer comme 1ère étape le diagnostic de l’existant (état des lieux, forces et faiblesses, opportunités et menaces) en mobilisant l’ensemble de l’équipe

En 2ème étape, définir ses objectifs, ses cibles et les moyens à mobiliser, sans rien oublier pour bien cadrer le projet. En particulier définir d’entrée de jeu qui sera le chef de projet et de quel budget il bénéficiera, incluant les lignes budgétaires à prendre dans d’autres secteurs (communication, RH, graphisme, etc .)

3ème étape : (…) Je vous en réserve l’exclusivité détaillée 🙂

Si je résume, un site internet comme celui du Centre Pompidou, c’est un moteur d’innovation pour tous les acteurs cherchant à repenser les liens au public et au jeune public. C’est aussi un projet en soi, qui nécessite une méthode claire pour le mener à bout. Et des acteurs identifiés, avec une approche collaborative certaine.

Pour vous accompagner, si vous manquez de temps, et /ou si vous n’avez pas les ressources en interne, faites appel à Hélène Cascaro Conseil – Pour les artistes et la culture-

LE LIEN

Le blog dEvelyne Lehalle sur le tourisme culturel. Une mine d’informations et un point de vue décalé qui fait du bien !

L’âge d’or de la peinture danoise

L’ARTICLE CULTUREL DU MOIS

L’exposition au Petit Palais sur L’âge d’or de la peinture Danoise, un voyage plein de découvertes !