Portrait de Valerio Vincenzo, photographe italien-septembre 2021

PORTRAIT_VALERIO_VINCENZO

Valerio Vincenzo, photographe italien installé à Paris, me reçoit au Quai 36, à Saint-Ouen, une friche dans laquelle il a obtenu un atelier, le temps du projet Morpho, grâce à son projet de street art un peu particulier, Les Idioties.
Par ailleurs, en ce moment, il lit les lettres de Van Gogh à son frère Théo, et celles-ci l’inspirent « terriblement »

1. Qui êtes-vous Valerio Vincenzo et sur quoi travaillez-vous en ce moment?
J’ai toujours du mal à me donner une étiquette. Je me considère toujours en recherche. Sur ma carte d’identité italienne, que je devais renouveler, à la rubrique profession, j’ai inscrit étudiant ! Je me sens encore vraiment dans cet état-là. J’explore, je suis curieux, je n’arrive jamais à un endroit fixé d’avance. En ce moment, je travaille à essayer d’être le plus proche possible de cette définition. Je mène un travail sur moi-même, qui m’emmène dans une production particulière.

2. A quel moment avez-vous décidé de devenir artiste et quel a été le déclic, s’il y en a eu un?
Il y au plusieurs déclics. Le plus important a été quand j’ai arrêté ma profession de consultant. Tous les copains et ma famille se sont cotisés pour m’offrir un Leica. Ce fut un moment de bascule. Je l’ai vécu comme une autorisation d’emprunter une route que je pouvais enfin parcourir.
Un autre déclic est survenu en 2020 : j’ai attrapé le Covid et ai été terrassé pendant 6 semaines. J’ai pu réfléchir… être photographe documentaire ne me suffisait plus. Je continue donc ma recherche, quitte à ne pas être compris immédiatement.

Valerio Vincenzo- Précisions, La Fenice, Venise

3. Dans l’actualité du moment, qu’est-ce qui vous fait vibrer particulièrement?
Notre rapport à la réalité. Celui-ci a radicalement changé avec l’arrivée des technologies digitales. Ce phénomène relève à la fois de la catastrophe humanitaire et d’un champ d’investigation infini. Il suffit de voir les gens rivés sur leur portable. Je suis d’une génération qui a grandi sans portable. Van Gogh a grandi dans un monde sans musique enregistrée, sans téléphone, sans électricité. Le poids des étoiles était forcément très important à son époque. D’où ses peintures qui exploraient inlassablement le ciel. Nous sommes a contrario sur-sollicités. Sans ces sollicitations, on est en paix. C’est pourquoi l’artiste peut adopter une attitude différente, distanciée par rapport au numérique. Sans qu’il soit nécessaire de passer au tout argentique d’ailleurs. Être dépendant des technologies rend plus difficile le contact avec soi-même. Je souhaite retrouver cette richesse apportée par le recul avec la réalité quotidienne.

4. Un souvenir marquant dans votre carrière, votre parcours?
Plutôt qu’un souvenir marquant j’évoquerais plutôt des petits moments qui me font comprendre que je suis sur la bonne voie. Par exemple, le projet que je poursuis depuis une dizaine d’années sur les frontières (Borderline) questionne les passants : que prends-tu en photo ? Il n’y a rien à prendre en photo !
De même, j’ai effectué l’échographie d’un appareil photo il y a peu. Je ne comprends pas le résultat. L’appareil est un objet de mystère. Les gens pensent qu’il n’y a rien à voir. Dès lors, et de manière paradoxale, je tiens quelque chose, j’ai une piste qui me conforte dans la nouveauté de ma démarche.

Valerio Vincenzo- Vastrini- IDIOTIE N.74

5. Un vœu pour l’année qui vient ?
La pandémie, dont nous ne sommes pas encore sortis, est une tragédie. Je souhaite surtout qu’on n’oublie pas les enseignements du confinement qui en a découlé : ce moment précieux de paix, de temps pour réfléchir. J’espère que nous saurons tous, et chacun, préserver ce jardin !