Portrait de Mikael Sabatier, DG de La Belle data- janvier 2021

/NEWSLETTER/ La petite musique de la culture / janvier 2021

Cette lettre vous présente le regard de personnalités du monde culturel sur la situation actuelle et s’attache à mettre en lumière de bonnes pratiques. Enfin, un bonus vous fait partager un site internet remarquable et un article de blog à propos d’un événement culturel inspirant.

Bonne lecture !

 

L’ENTRETIEN

Mikaël Sabatier, Directeur Général de La Belle Data

« La culture française constitue une bonne base pour se souvenir que nous sommes dans un pays exceptionnel, doté d’un patrimoine culturel à préserver à tout prix, car il a contribué à ce que nous sommes aujourd’hui. »

1. Qui êtes-vous Mikaël Sabatier, et quelle est votre mission? Sur quoi travaillez-vous en particulier en ce moment?

Je suis le Directeur général de La Belle Data, une entreprise qui œuvre exclusivement dans le secteur culturel, au profit des professionnels du cinéma et des médias. Nous sommes fournisseurs de contenus pour les distributeurs et les sites spécialisés. Nos services permettent au grand public de trouver le film qu’il a envie de voir, de choisir une séance et de réserver sa place en ligne.

Nous opérons dans 40 pays. Notre cœur d’activité est la « big data » : nous agrégeons et structurons et les données pour faciliter l’analyse des comportements des audiences, à l’occasion de la promotion des films et du cinéma en général.

Ma mission consiste à négocier des partenariats avec d’autres fournisseurs de contenus, pour alimenter nos bases de données. Ainsi, nous allons chercher des données locales dans d’autres pays avec des fournisseurs de contenus locaux, avec lesquels nous signons des contrats pour pouvoir exploiter les données sur le long terme. En effet, ces données doivent être fréquemment mises à jour: 40 films par semaine sortent en France, d’où une nécessaire synchronisation et un suivi régulier en prêtant beaucoup d’attention à la sécurisation des données.

En ce moment, du fait de la nouvelle fermeture des cinémas en France et en Europe, nous nous sommes concentrés sur de nouveaux pays qui eux, n’ont pas ou peu fermé leurs salles. Je citerai par exemple l’Inde, qui nous offre  de nouvelles opportunités de développement (plus de 2000 films produits par an, et 14 millions de spectateurs par jour !). Cette exploration passe par une participation à des salons professionnels, virtuels à l’heure de la COVID (salon du film indépendant, festivals de films de genre, etc.), qui nous permettent de rencontrer de nouveaux prospects et constituent un point de contact avec nos clients pour améliorer notre connaissance du secteur notamment à l’étranger, même si les rencontres s’effectuent à distance par visoconférence.

Globalement, nous assistons à un changement stratégique dans le secteur cinématographique. Warner et Disney ont récemment pris la décision de sortir des films en VOD (vidéo à la demande) en même temps qu’en salle. Ceci bouleverse la chronologie des médias, et nous oblige à évoluer.

2. Comment affrontez-vous la crise sanitaire et avez-vous changé quelque chose à votre manière de réfléchir, d’anticiper les difficultés cette année?

Oui nous devons nous réinventer. Les longues fermetures liées aux deux confinements nous ont donné le temps de réfléchir au fonctionnement de la salle de cinéma, qui reste fondamentale pour la visibilité et le succès des films auprès du public.  En tant qu’expert technique, la crise nous a amené à réfléchir à des solutions innovantes pour adapter l’expérience du spectateur en ligne avant l’accès à la salle. L’idée était de procurer la confiance nécessaire au public dans cette période anxiogène, même si aucun cluster n’a pu être détecté dans les salles. Par exemple, la réservation en ligne et le billet dématérialisé ont permis la suppression des interactions physique au guichet ce qui a contribué à stabiliser le nombre de spectateurs après le 1er confinement.

Contrairement aux distributeurs américains, qui ont décalé les sorties des films à gros budget, les distributeurs français ont joué le jeu et ont sorti des films pendant la période. Ceux-ci ont connu de beaux succès, entre autres du fait d’une moindre concurrence des nombreux BlockBusters à l’affiche les années précédentes.

Sur un plan plus personnel, nous avons la chance d’avoir un modèle d’entreprise sain et solide : il nous a permis d’affronter la crise sans recourir au chômage partiel. Comme beaucoup, nos équipes ont été en télétravail mais plutôt efficacement et sans rupture pour la gestion du quotidien tant technique que commercial. Il est vrai que les applications de vidéo-conférence nous ont permis de mener à bien nos missions sans nous déplacer à l’autre bout de la planète.

Au final, cette période a permis d’approfondir des sujets, des dossiers que nous n’avons pas le temps de creuser au quotidien. Je suis plutôt satisfait de la réactivité et l’adaptabilité dont nous avons fait preuve. Nous tenant prêts pour la suite, je vais même pérenniser certaines adaptations dans notre fonctionnement, le télétravail notamment. Le redémarrage va être formidable, je ne suis pas inquiet.

3. Quel regard portez-vous sur la culture, le cinéma revenir très fort et quels conseils donneriez-vous à un jeune tenté de rejoindre votre univers?

Je suis passionné par le cinéma donc mon métier est passionnant ! Il donne l’occasion de rencontrer des professionnels passionnés également, des réalisateurs comme des exploitants de salles. Il est vrai, que le cinéma est un monde très vaste, il y en a pour tous les gouts. Les grands films américains avec beaucoup d’effets spéciaux comme des films français plus « artisanaux » ou chaque plan est pensé dans le moindre détail. Tous les aspects techniques de la profession peuvent attirer certains jeunes.

A mon sens, la culture française constitue une bonne base pour se souvenir que nous sommes dans un pays exceptionnel, doté d’un patrimoine culturel à préserver, car il a contribué à ce que nous sommes aujourd’hui. Malgré ce qu’en disent certains, la culture est essentielle et le cinéma en particulier fait partie des richesses de notre patrimoine qu’il faut absolument soutenir en cette période compliquée.

4. Une conclusion optimiste, une envie, un fantasme?

Mon fantasme : j’adorerais pouvoir choisir un film, une séance n’importe où dans le monde et m’y téléporter au moment où j’en ai envie rien que pour m’immerger dans l’ambiance ! Voir le film Casablanca au cinéma le Rialto dans la ville éponyme après un thé à menthe au Rick’s Café (lieu mythique de la fameuse scène Humphrey Bogart/Ingrid Bergmann dans ce film) !

Plus sérieusement, dans l’histoire, la France et le monde ont souvent montré qu’ils étaient résilients, je suis donc très optimiste pour l’après COVID. Nous allons repartir plus fort, plus haut et plus loin !

LE CAS

Le cas pratique du mois est : qu’est-ce qu’un schéma directeur paysager et à quoi sert-il ?

Un schéma directeur est un plan stratégique de développement d’un site, qui aborde aussi bien les questions d’investissements que de fonctionnement, d’objectifs et de moyens, de calendrier que de rendus par étape. La dimension opérationnelle est présente au même titre que la réflexion stratégique.

En matière de schéma directeur paysager (concernant par exemple un parc, un jardin ou des cours), plusieurs sites exemplaires notoires s’en sont dotés récemment. On peut citer Chambord, dont la tonte des prés par des brebis a été mise en lumière fin 2020. Leur présence signifie à la fois une harmonie nature- monde animal- bâti patrimonial, un retour aux traditions du lieu, une économie de moyens, une écologie de proximité et une esthétique globale paysagère.

Ce schéma intègre un rapport à la nature renouvelé par une gestion différenciée, et un goût pour le paysage. Cette démarche séduit en outre les enfants, premiers prescripteurs des familles.

Le Louvre s’est lancé par ailleurs dans un schéma directeur à l’horizon 2024 pour ses jardins, les Tuileries, créés par Catherine de Médicis en 1564. Par la suite, le dessin d’André de Le Nôtre, le jardinier de Louis XIV, organisait une grande percée allant des Tuileries à la Concorde, afin d’offrir une balade à couvert par les grandes chaleurs.

Le schéma en cours passe par la replantation de la Grande Allée avec des ormes, à la place des marronniers d’origine (dont l’exotisme s’est tari et qui sont moins propices à la biodiversité).

70% du jardin était boisé, contre 40% aujourd’hui car il faut désormais préserver les usages contemporains du jardin et en variant les époques de référence. Une réflexion bosquet par bosquet est menée afin de faciliter l’avancée des travaux et créer des surprises. Les statues anciennes comme contemporaines parsèment le parcours de manière aléatoire : une réflexion est menée sur une plus grande cohérence de parcours. Des tests sont effectués, pour protéger les statues du vandalisme, et des solutions végétales de conservation sont mises en œuvre pour éviter le piétement du public et ramener de la biodiversité dans le jardin.

En termes de management, les jardiniers travaillent de concert avec les conservateurs.

La dimension événementielle dans les jardins perdurera, d’une part parce qu’elle a toujours existé (les fêtes dès le XVIIIe, les défilés de mode aujourd’hui) et, d’autre part, parce qu’elle apporte des recettes supplémentaires non négligeables, dans le respect des cahiers des charges du Louvre.

Enfin un objectif consisterait aussi potentiellement à réunir le musée du Louvre et le jardin en un domaine unique, comme c’est déjà le cas à Versailles ou Lunéville.

Comme on le voit les schémas directeurs permettent de se poser les bonnes questions à un temps T, une fois le diagnostic posé et les faiblesses du site identifiées. Les solutions sont travaillées en équipe et avec les partenaires afin de faciliter l’appropriation.

Je prendrai en dernier lieu l’exemple du parc et du jardin de Lunéville, dont les principaux enjeux étaient les suivants :

–       Concilier le jardin historique avec la déambulation des locaux (usage public)

–       Retrouver une dimension ludique et festive dans le parc

–       Favoriser l’innovation dans les espaces ou manifestations occupant le jardin

–       Créer davantage de médiation sur l’histoire du lieu et ses atouts en termes d’écologie

–       Expliquer la gestion du parc et du jardin et l’inscrire dans le temps

Le cabinet de paysagistes retenu pour accompagner le Département maitre d’ouvrage a géré ce projet, en quelques étapes clés :

–       D’abord poser le diagnostic, et préciser la méthodologie pour toutes les phases envisagées

–       Créer des instances ad hoc pour faire aboutir le schéma directeur dans toutes ses composantes : techniques, scientifiques, pédagogiques et politiques

–       Présenter les moyens à investir, à savoir le temps nécessaire à chaque étape, le personnel à mobiliser (jardiniers, équipes musée, autres) et le budget à dédier (pour l’entretien comme pour les projets spécifiques, incluant investissements et fonctionnement éventuel)

En quoi ce nouveau schéma directeur est-il inspirant ?

–       D’abord parce qu’il est prétexte à reparler à l’échelle locale, régionale et nationale du site, en créant un « storytelling » inexistant jusqu’à présent ;

–       Ensuite parce qu’il permet de mobiliser des partenaires sous un nouvel angle et sur un nouveau sujet, souvent relégué après les investissements dans le bâti du château ;

–       Parce qu’il redonne aussi de la fierté aux habitants de la ville, par une amélioration qualitative du parc (enlèvement des bancs dégradés, d’une passerelle métallique inesthétique ou de barrières empêchant les perspectives, tailles harmonisées des tilleuls etc.) ;

–       Il incite à s’y promener pour découvrir le patrimoine arboré et floral, statuaire et paysager, grâce à une signalétique adaptée et à fort contenu ;

–       Les touristes qui n’entreront pas visiter une exposition pourront néanmoins découvrir l’histoire glorieuse du château et de ses abords en déambulant dans les jardins et le parc;

–       Il inscrit l’évolution du site dans la durée grâce à des changements progressifs, qui permettent de comprendre et de défendre la méthode et les résultats obtenus ;

–       Enfin, la période actuelle a rendu incontournable la réflexion sur la place de la nature en ville, la lutte contre la perte de la biodiversité et les chaleurs extrêmes en espace urbain.

Comment pouvez-vous alors transposer dans le parc ou les jardins de votre château ou de votre abbaye certaines propositions ?

La méthode que je préconise est la suivante :

Se fixer comme 1ère étape le diagnostic de l’existant (état des lieux, forces et faiblesses, opportunités et menaces) en mobilisant l’ensemble de l’équipe et en faisant intervenir un prestataire extérieur, qui apportera le regard distancié indispensable

En 2ème étape, définir les objectifs, les cibles et les moyens à mobiliser, sans rien oublier pour bien cadrer le projet. En particulier définir d’entrée de jeu qui sera le chef de projet et de quel budget il bénéficiera, incluant les lignes budgétaires à prendre dans d’autres secteurs (investissements, communication, RH, graphisme, etc .)

3ème étape : (…) Je vous en réserve l’exclusivité détaillée 🙂

Si je résume, comme pour le château de Lunéville, un schéma directeur c’est un moteur pour tous les acteurs cherchant à repenser les usages et finalités d’un lieu, pour gagner en notoriété, en fréquentation et en appropriation territoriale. C’est aussi un projet en soi, qui nécessite une méthode claire pour le mener à bout. Et des acteurs identifiés, avec une approche collaborative certaine.

Pour vous accompagner, si vous manquez de temps, et /ou si vous n’avez pas les ressources en interne, faites appel à Hélène Cascaro Conseil– Pour les artistes et la culture

 

LE LIEN

Le site de mécénat Art et Développement solidaire Thanks for nothing. Une approche innovante du mécénat, qui renouvelle la manière dont on peut mobiliser pour une juste cause !

L’ARTICLE CULTUREL DU MOIS

Un article dans La petite musique des vendredis qui nous fait regarder le Royaume-Uni autrement!

Publié par

Conseil en stratégie, marketing culturel et développement/ Agent d’artistes